ANDRÉE CHEDID, au féminin de l’humanité

Andrée Chedid (pas d'accent sur le "e")  est une poétesse française aux racines multiples : 
Née en 1920 en Égypte (Le Caire) de parents libanais, elle vit au Liban de 1942 à 1946 puis vient s'installer en France (où elle avait séjourné enfant) et adopte la nationalité française.  
Auteure de nombreux romans, récits, pièces de théâtre, recueils de poésies, ainsi que de contes et de comptines pour les enfants, elle a également écrit des paroles de chansons interprétées par son petit-fils Matthieu Chedid ("M"), fils du chanteur Louis Chedid.
Elle a disparu le 6 février 2011.

Andrée Chedid est absente de la plupart des anthologies poétiques : un oubli remarquable et majeur, entre-autres, celui de Jean Orizet dans son pavé "La poésie française contemporaine" (Le cherche midi éditeur, 2004), qui réunit environ 150 auteurs. Comme d'autres "poétesses", elle est souvent cantonnée aux recueils de poésie féminine, aux thèmes étiquetés "féminins", ou encore à l'édition "jeunesse" et au secteur scolaire.

Le Printemps des Poètes 2008, sur le thème de L'Éloge de l'autre (les textes de cette page sont en préparation) avait mis en exergue ce passage d'un poème d'Andrée Chedid :

"Toi
Qui que tu sois
Je te suis bien plus proche qu'étranger".

(derniers vers du poème TOI-MOI"  - "Visage premier, Flammarion, 1972) - voir le poème intégral plus bas

Elle était "l'ambassadrice" du Printemps des poètes 2010 (en préparation également), sur le thème Couleur femme.

On trouvera ici les textes d’Andrée Chedid qui seront présentés dans la catégorie du blog Éloge de l'autre (Printemps des Poètes 2008), En rires (PP 2009) ainsi que d'autres textes, tous thèmes confondus.


<< ci-dessus en imageet ci-dessous en couleur, des recueils accessibles aux élèves de primaire. 

Bibliographie poétique (source principale recoupée : Wikipédia et deux autres sites signalés plus haut) : 

Textes pour une figure, Éditions du Pré aux clercs, Paris, 1948
Textes pour un poème, G. L. M., Paris, 1950
Textes pour le vivant, G. L. M., Paris, 1953
Textes pour la terre aimée, G. L. M., Paris, 1955
Terre et poésie, G. L. M., Paris, 1956
Terre regardée, G. L. M., Paris, 1957
Seul le visage, G. L. M., Paris, 1960
Lubies, G. L. M., Paris, 1962
Double-pays, G. L. M., Paris, 1965
Contre-chant, Flammarion, Paris, 1968

Fêtes et lubies : petits poèmes pour les sans-âge, Flammarion, Paris, 1973 (réimpr. 1996 (coll. « G.F. »)
Prendre corps, G. L. M., Paris, 1973
Cérémonial de la violence, Flammarion, coll. « Poésie », Paris, 1976
Fraternité de la parole, Flammarion, coll. « Poésie », Paris, 1976
Le Cœur et le temps : poèmes pour les enfants, L'École des Loisirs, Paris, 1977
Cavernes et soleils, Flammarion, coll. « Poésie », Paris, 1979 (réimpr. 2005)
Lubies, L'École des Loisirs, coll. « Chanterime », Paris, 1979
Par-delà les mots (poèmes), Flammarion, Paris, 1995
Grammaire en fête, Ed. Folle avoine,1984
Territoires du souffle (poésie), Flammarion, Paris, 1999
Naître plus loin, Lo Païs d'Enfance, Draguignan, 1997
Rythmes (poèmes), Gallimard, Paris, 2002.

D'autre part, deux recueils réunissent une sélection des textes publiés dans tous les recueils précédemment cités :
Textes pour un poème (1949-1970), Flammarion, 1987 et
Poèmes pour un texte (1970-1991), Flammarion, 1991.

 
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1. textes plutôt destinés aux cycles 1 et 2 (Maternelle, CP)
mais pas forcément ! à vous de voir ...

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L’anniversaire

J’ai neuf ans
Salut les vétérans !
J’aime l’élan
Mais pas les caïmans

J’ai neuf ans
Salut les descendants ! 
J’aime Laurent
Un peu plus que maman

Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - chapitre 2 : Des bêtes et des choses - éditions de l'École des Loisirs, 1977) et "Lubies" - Flammarion, 1962)

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Le caillou

Le caillou
Passe-partout
Sans froufrou
Sans bagout
Est jaloux, très jaloux
De Nicéphore, le Pou
Ce casse-cou
Vent-debout
Qui court le guilledou !

Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - éditions de l'École des Loisirs, 1976)

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La cervelle de papa

La sardine a des arêtes,
Papa n'en a pas !

Papa, lui, a un squelette,
Que la sardine n'a pas !

La machine a des ailes,
Papa n'en a pas !

Papa, lui, a de la cervelle,
Il dit que la machine, pas !

Andrée Chedid (Andrée Chedid ("Lubies" - Flammarion, 1962 - et "Fêtes et lubies" - éditions Guy Levis et l'École des Loisirs, chanterimes, 1979)

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Histoire de cou

Un jour, le kangourou
Se fit gourou
Pour se monter le cou
Et la girafe
Dut faire gaffe
De peur de tomber
En carafe !

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion,1972 et 1996)

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La fringale

Holà ! Holà !
Tous, garez-vous !
Les durs les doux
Les secs les mous
Holà ! Holà !
Je donne le signal :
Voilà que Dame Noix
A sa FRINGALE !

Les petits gâteaux
Font le gros dos
Les Cochonailles
De peur, défaillent
Les Confitures
Se claquemurent
Tous les Anchois
Sont aux abois

Mais rien rien Rien
Ne résistera
À la FRINGALE
De Dame Noix !

Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - chapitre 2 : Des bêtes et des choses - éditions de l'École des Loisirs, 1977)

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Ding ! Dong !*

"Ding ! Dong ! Dingue !
dit la Grande Broingue,
J'emmène ma Vache en carlingue !"

"Survolant la Canebière
À chaque sursaut
À chaque trou d'air :
Ding ! Dong ! Dingue !
Fait son grelot.

"Ma vache est gaie
et pleine de lait
Grosso-modo,
elle ne dit mot.

"Quant à moi :
je suis trilingue !"
ajoute presto
la Grande Bringue.

"Ma Vache fait "Ding !"
Et moi, je suis Dingue !"

* ponctuation, majuscules et guillemets conformes au texte original

Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - chapitre 2 : Des bêtes et des choses - éditions de l'École des Loisirs, 1977)

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L'éponge

Une éponge
Songe
Songe
Songe aux songes
D'une éponge
Qui songe

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion,1972 et 1996)

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illustration du poème dans l'ouvrage "101 poèmes pour les petits"

La chèvre magique

La chèvre magique
A des tiques
Dans l'oreille gauche
Dans l'oreille droite
Et tic et tac
Et gratte et gratte
La chèvre magique
Se détraque

Andrée Chedid ("Lubies" - GLM, 1962  et "101 poèmes pour les petits" - Bayard Jeunesse, 2002)

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L'onomatopée

Lolo, nono,
Mama, topée !
C'est pas possible
A prononcer !

Glou-glou, tic-tac
Do-do, pé-pé,
Tout ça
C''est de l'O
NOMATOPÉE !

Lolo, nono
Mama, topée !
Un mot
A vous rendre toqué !

Cui-cui, chut-chut
Boum-Boum, yé-yé
Voilà des O
NOMATOPÉE ! *

Lolo, nono
Mama, topée!
Pourquoi vouloir
Tout compliquer !

* A.C. a mis "onomatopée" au pluriel sans "S"

Andrée Chedid  ("La grammaire en fête", Flammarion, 1993, collection Père Castor.

 

"Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, le malheur, la cruauté du monde; mais aussi sur la lumière, sur la beauté, sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l'avenir" (Andrée Chedid, dans son roman "Le message" )

2. textes plutôt destinés au cycle 3 (CE2, CM1, CM2)
et au Collège
mais pas forcément ! à vous de voir ...

Chassé-croisé

Le Grain de Poussière
S'est mis au vert
Pour respirer
Un plein bol d'air

Ailé, ailé
Le Grain de Blé
S'est envolé
Vers la cité.

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973 et 1996)

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L'Exploit

"Rien qu'avec mes mandibules",
Dit la fourmi toisant Hercule,
"Je déplace vingt fois
Mon poids !"

"Et c'est Toi !
Qui te dis le Roi !"

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973)

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Le rire

Le rire
Pour rire
Quitta les hommes
Ce fut navrant
Fallait voir comme
Mais le rire
Bonhomme
Regagna son "home"
Riant riant
De voir comment
Un homme sans rire
N'est plus un homme

Andrée Chedid ("Le Cœur et le temps" - éditions de l'École des Loisirs, 1976) / ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973 et 1996) et également sur le site du Printemps des Poètes (archives 2009)

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La fourmi et la cigale

"Fini, fini !"
Dit la fourmi.
"Au diable la parcimonie ! Dès aujourd’hui
Je convie
Toutes cigales affranchies
A me chanter leurs mélodies,
Et nous fêterons, en compagnie,
La vie qui bouge,
La vie qui fuit !"

"Holà, holà !"
Fit la cigale
Poussant un cri très vertical.
"Pour moi, adieu le carnaval !
L’hiver, l’hiver m’a tant appris,
Et le souci tant rétrécie,
Que j’ai rangé toutes mes rêveries
Pour m’établir
En Bourgeoisie !"

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973 et 1996

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La majuscule s'impose pour "Le Secret" :

Le Secret 

D'où viennent-ils ?
Où vont-ils ?
Tous ces humains que cherchent-ils ?

Il court, il court, le Secret !
Et les hommes lui courent après !

Il est passé par ici,
Il repassera par là.

C'est comment, c'est quoi la vie ?
Bien malin qui le dira !

Elle est passé par ici,
Elle repassera par là.

Il court, il court, le Secret !
Et les hommes lui courent après !

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973 et 1996)

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Éloge de l'Accent

"Aigu
Grave
Ou circonflexe
Avec zèle
J’annexe
Par kyrielles
Les Voyelles !

A E I O U, mes Belles !
Je vous suis providentiel !
 
Je vous coiffe à tire-d’aile
Je vous gèle
Je vous flagelle
Je vous grêle
Je vous ombrelle !

U O I E A, Agnelles!
Rendez-vous à mes appels ! 
   
Aigu
Grave
Ou circonflexe
Je le répète sans complexe :
C’est l’Accent
Qui fait le Texte !

* La dernière strophe est absente de l'édition "Étonnants Classiques" Garnier-Flammarion 1996.

Andrée Chedid ("Fêtes et lubies" - éditions Flammarion - 1973 et 1996)

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Dans le poème qui suit, Andrée Chedid féminise l'Automne. Est-ce que ça ne vous donnerait pas des idées de création poétique pour le Printemps des Poètes 2010 "couleur femme" ? hein ?

Les routes

Si tu sautes par-dessus la haie
Vers les routes en triangle

Tu trouveras l'Automne
Allongée comme un cadavre
Couchée de toutes ses feuilles

Tandis que d'une cheminée
Montera la première chaleur
Étoile rouge du berger
Avec sa coiffe de magicienne.

Andrée Chedid ("Textes pour un poème", GLM et Flammarion, 1950)

3). textes pour le Collège ou le Lycée
mais pas forcément ! à vous de voir ...

Ce texte ouvrait le Printemps des Poètes 2008 (sur le thème "éloge de l'autre"):

Toi-Moi

Par l'univers-planète
un univers à toute bride
Par l'univers-bourdon
dans chaque cellule du corps

Par les mots qui s'engendrent
Par cette parole étranglée
Par l'avant-scène du présent
Par vents d'éternité

Par cette naissance qui nous décerne le monde
Par cette mort qui l'escamote

Par cette vie
Plus bruissante que tout l'imaginé

TOI

Qui que tu sois

Je te suis bien plus proche qu'étranger.

Andrée Chedid ("Contre Chant" - Éditions Flammarion - 1968 et 1971 et "Visage Premier" - Flammarion 1972)

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Le texte qui suit a été commandé à A. Chedid par Le Printemps des Poètes 2008 (sur le thème "Éloge de l'Autre") :

L'Autre
               
"Je est un autre"  Arthur R.

À force de m’écrire
Je me découvre un peu
Je recherche l’Autre

J’aperçois au loin
La femme que j’ai été
Je discerne ses gestes
Je glisse sur ses défauts
Je pénètre à l’intérieur
D’une conscience évanouie
J’explore son regard
Comme ses nuits

Je dépiste et dénude un ciel
Sans réponse et sans voix
Je parcours d’autres domaines
J’invente mon langage
Et m’évade en Poésie

Retombée sur ma Terre
J’y répète à voix basse
Inventions et souvenirs

À force de m’écrire
Je me découvre un peu
Et je retrouve l’Autre.

Andrée Chedid (Poème inédit pour Le Printemps des Poètes - Éloge de l'autre - 2007)

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Cet instant

Avec mon sang aux mille oiseaux
J'ai marché tout au long de la terre
J'ai ri de l'argile
J'ai renié le temps
J'ai su parler à l'étranger

Avec mon sang couleur de jour
J'ai dit oui à la mort et à son innocence
J'ai refusé la nuit.

Andrée Chedid ("Textes pour un poème" - Éditions G. L. M.- Paris, 1950 et Éditions Flammarion 1987)

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Je m'écris

J'interprète une page de vie
J'en use comme plaque de cuivre
J'ai la grène de plaisirs
Je la crible d'années
Je la saisis en verte saison
Je la racle de nuit d'hiver
Je la ronge en creux d'angoisses
Je m'y taille espace libre
Je l'attaque en matière noire
Je progresse d'épreuves en épreuves
Je la creuse en vaines morsures
Je la burine d'émotions
Je l'entame
Pour nier le temps
Je m'écris pour durer

Andrée Chedid  ("Rythmes " -  éditions Gallimard, 2002)

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Jeunesse

Jeunesse qui t'élances
Dans le fatras des mondes
Ne te défais pas à chaque ombre
Ne te courbe pas sous chaque fardeau
Que tes larmes irriguent
Plutôt qu'elles ne te rongent
Garde-toi des mots qui se dégradent
Garde-toi du feu qui pâlit
Ne laisse pas découdre tes songes
Ni réduire ton regard
Jeunesse entends-moi
Tu ne rêves pas en vain.

Andrée Chedid (texte "Tant de corps et tant d'âme", dans le recueil "Poèmes pour un texte 1970-1991", éditions Flammarion, 1991)

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Trois mouettes

Je te donne trois mouettes

La pulpe d'un fruit
Le goût des jardins sur les choses

La verte étoile d'un étang
Le rire bleu de la barque
La froide racine du roseau

Je te donne trois mouettes
La pulpe d'un fruit

De l'aube entre les doigts
De l'ombre entre les tempes

Je te donne trois mouettes
Et le goût de l'oubli.

Andrée Chedid ("Textes pour un poème", 1950 et "Fêtes et lubies" - éditions Flammarion,1972 et 1996) 

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Brève invitée

Ma lande mon enfant ma bruyère
Ma réelle mon flocon mon genêt,
Je te regarde demain t’emporte 
Où je ne saurais aller.

Ma bleue mon avril ma filante
Ma vie s'éloigne à reculons,
A toi les oiseaux et la lampe
A toi les torches et le vent.

Mon cygne mon amande ma vermeille
A toi l'impossible que j'aimais
A toi la vie, sel et soleil,
A toi, brève invitée.

Andrée Chedid ("Seul le visage", 1960 - repris dans "Textes pour un poème - 1949-1970 " - éditions Flammarion, 1987)

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La saison des herbes

L'air est libre

Les chemins sentent l'orange
Le soleil s'allonge en robes* de safran

C'est la saison du rire et des herbes

Ô mon amour aux cent patiences
Ce soir tout est une première fois.

* "robes" est au pluriel

Andrée Chedid ("Textes pour la terre aimée", 1955 - repris dans "Textes pour un poème - 1949-1970 " - éditions Flammarion, 1987)          

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Extraits du recueil "Terre et poésie" :

La poésie est naturelle. 
Elle est l'eau de notre seconde soif.

Andrée Chedid ("Terre et Poésie", texte 4 du chapitre 2 - Éditions GLM - 1956)

Nous avons beau - comme l'arbre qui est né sage - soupçonner les grimaces du destin, nous n'avons pas encore appris à sourire des simples blessures du coeur. 
L'orage nous terrasse, entame la chair même du bonheur. 
Mais, l'eau nouvelle est l'invention des matins.

Andrée Chedid ("Terre et Poésie", texte 11 du chapitre 3 - Éditions GLM - 1956)

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Arbres

Je sais des arbres
Striés de leur corps à corps avec les vents
Et certains dont les têtes résonnent
Des contes de la brise
                           
D’autres solitaires et debout
Défiant le sol renégat
Et d’autres qui se ressemblent
Autour d’une maison grise
                              
Je sais des arbres
Qui s’humilient au pied des eaux
Pour l’amour de leur image
Et ceux qui secouent d’arrogantes chevelures
À la face du soleil

Je sais des arbres
Témoins de très anciennes naissances
Et qui redoublent de racines
J’en sais d’autres qui expirent
Pour un frôlement d’aile

Je sais des arbres vains et qui ne sont
Que feuilles
Tous ils ont trop vécu
Sur la terre des hommes.

Andrée Chedid ("Textes pour une figure, 1949" et "Textes pour un poème - 1949-1970 " - éditions Flammarion, 1987) 

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4). textes plus difficiles sans doute ...

Deux textes du recueil "Textes pour un poème - 1949-1970 ", juste parce qu'on les aime :

A quoi joue-t-on ?

Que faisons-nous d'autre
Que jardiner nos ombres,
Tandis qu'au loin
crépite et s'évade l'univers ?

Que faisons-nous d'autre
que visiter le temps,
Tandis qu'au près
s'architecture notre mort ?

Que faisons-nous d'autre
que rogner l'horizon,
Tandis qu'au loin
qu'au près -------- :

              le grand heurt.

Andrée Chedid ("Contre Chant" , premier texte de la série "Démarche" - Éditions Flammarion - 1968 et "Textes pour un poème - 1949-1970 " - éditions Flammarion, 1987)


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Le combat délivre

J'ai racheté la nuit
Avec une cigale
Avec un coq
À la crête foudroyée

J'ai ramoné la nuit
Au surplis de l'aube
Par un essaim de rêves
Je l'inquiétais

J'ai escorté la nuit
Pour me faire à ses plages
J'ai tailladé l'ardoise
Avec le cri

Mais la nuit est la nuit
Et la nuit demeure
Sa part de jour
Encore en sa nuit.

Andrée Chedid ("Double-pays", 1965 - repris dans "Textes pour un poème - 1949-1970 " - éditions Flammarion, 1987)          

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Et pour terminer, ce texte du recueil "Fraternité de la parole", recueil que présente ainsi l'auteure :
"Surgie du tréfonds, vêtue de mots, de langues, quelque part la parole nous soulève et nous réunit. [...]
Ces textes s'obstinent à forer le chemin des ressemblances, à dénombrer les preuves d'une terre commune, à dévoiler les traces d'une fraternité [...] "

Le parcours

D'obstacles en terrasses
De rameaux en ténèbres
Le parcours est sans pitié

Va      main à main
avec tant d'autres
Leur feu      ton feu
seront alliés

Avance
La terre prendra ta forme

Elle n'abolit que les miroirs !

Andrée Chedid ("Fraternité de la parole", éditions Flammarion, 1976)