PRINTEMPS DES POÈTES 2009   -  En rires
textes en français et création poétique
MATERNELLE, CYCLE 2, CYCLE 3, COLLÈGE, LYCÉE

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PRINTEMPS DES POÈTES 2009 - L’HUMOUR - textes en français avec suggestions de CRÉATION POÉTIQUE

par auteurs P  - Q  -  R

les textes accompagnés de fiches de création poétique sont indiqués par [+ CRÉATION]


TEXTES D’AUTEURS  P  Q  R


Emmanuelle Parrenin : voir COMPTINES et PETITS POÈMES ALPHABÉTIQUES,avec les JOURS, les MOIS, et avec les NOTES de MUSIQUE  (page 1)

Louisa Paulin : Chanson de mariage / Chanson pour rire [+ CRÉATION]

Georges Perec : Déménager [+ CRÉATION] / Vocalisations

Benjamin Péret :  S'essoufler / Les temps révolus

Francis Ponge : Notes prises pour un oiseau [+ CRÉATION] / L'allumette / Le savon

Christian Poslaniec : Mon arbre à moi / Cheval d'avril / Douze ans / Pêchette surprise / La tanche

Jacques Prévert : Cortège [+ CRÉATION] / Soyez polis / Bain de soleil / L'amiral / Frontières / Et la fête continue / Le coquillage / Chanson pour chanter à tue-tête et à cloche-pied / Les animaux ont des ennuis / Être ange / Quartier libre / Les belles familles / J'ai vu passer un homme / La pêche à la baleine / Mea culpa et Sans faute [+ CRÉATION]

Raymond Queneau et l'OULIPO : Pour un art poétique / Cent mille milliards de poèmes [+ CRÉATION] / La Cimaise et la Fraction  [+ CRÉATION]  / Cris de Paris / La fourmi et la cigale / Maigrir / Pauvre type / Encore l'art po / L'arbre qui pense / Égocentrisme

Jean-Claude Renard : Cache-cache (comptine) : voir COMPTINES, CHANSONS et PETITS POÈMES DIVERS (page 1)

Jules Renard : Histoires Naturelles [+ CRÉATION]

Yak Rivais : Cauchemar (tautogramme)

Ghislaine Roman : Si / Peut-être [+ CRÉATION]

Jacques Roubaud : Le microbe / La vache : description [+ CRÉATION]

Jean Rousselot : Chanson du possible / Les pommes de lune / L'ordinateur et l'éléphant / On n'est pas n'importe qui / Pas de vacances

Claude Roy : L'excès des petits noms d'amitié / L'affable La Fontaine / Avec des si.. [+ CRÉATION] / L 'enfant qui battait la campagne / La clef des champs / L'oiseau voyou / Le chat blanc / Limerick des gens excessivement polis / Étourdis étourneaux / L'escargot matelot

- Louisa Paulin -

Louisa Paulin (1888-1944) a vécu dans le Tarn (naissance à Réalmont), où elle a été institutrice. Elle écrit ses poèmes d'abord uniquement en français, puis en français et en occitan.
“Je me suis mise à la langue d'Oc par repentir d'avoir si longtemps ignoré mon pays et peut-être de l'avoir un peu méprisé”. Un texte se trouve rangé dans la catégorie POÉSIES PAR THÈME : le calendrier, Noël, le nouvel an ...

D'autres textes, dans les deux langues sont rangés ici : éloge de l'autre, page 5

Cette "Chanson de mariage" a été mise en musique par Henri Rys. On la trouve souvent sans les troisième et quatrième couplets :

Chanson de mariage

La pie veut se marier,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie veut se marier,
C'est pour rire et pour pleurer.

Elle épousera le geai,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Elle épousera le geai,
C'est pour rire et s'amuser.

C'est un fort joli garçon,
C'est pour rire, c'est pour rire,
C'est un fort joli garçon,
C'est pour rire sans façon.

Il a un bel habit bleu,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Il a un bel habit bleu,
C'est pour rire quand on peut.

La pie est folle du geai,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie est folle du geai,
C'est pour rire et pour chanter.

Quand ils se sont fiancés,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Quand ils se sont fiancés,
On a ri, chanté, dansé.

Le jour ils se sont griffés,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Le jour ils se sont griffés,
Ce n'est que pour commencer.

Demain ils s'épouseront,
C'est pour rire, c'est pour rire,
Demain ils s'épouseront,
Et le soir ils se battront.

La pie veut se marier,
C'est pour rire, c'est pour rire,
La pie veut se marier,
C'est pour rire et pour pleurer.

Louisa Paulin (dans l'anthologie d'Armand Got "Pin Pon d'or" - éditions Colin-Bourrelier, 1972)

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Tout comme celle-ci, dont on fera peut-être l'économie du dernier couplet :

Chanson pour rire

Le Rat, la Rate sont partis
Quel beau voyage !
Le Rat, la Rate sont partis
Pour voir Paris.

Ils sont partis en avion
Quel beau voyage !
Ils sont partis en avion
avec Raton.

En arrivant se sont assis
Quel beau voyage !
En arrivant se sont assis
Pour voir Paris.

Sur Notre-Dame de Paris
Quel beau voyage !
Sur Notre-Dame de Paris
Quel beau pays !

Ils ont mangé la Tour Eiffel
Quel beau voyage !
Ils ont mangé la Tour Eiffel
Au caramel.

Ils reviendront tous par sans-fil
Quel beau voyage !
Ils reviendront tous par sans-fil
Ainsi soit-il !

Louisa Paulin (dans l'anthologie d'Armand Got "Pin Pon d'or" - éditions Colin-Bourrelier, 1972)


Une chansonnette à la manière de Louisa Paulin

Des classes se sont amusées ici à créer des comptines chantées à la manière de ces deux chansons de Louisa Paulin. A vous de voir si...
En maternelle : http://www.perigord.com/asso/asco/pages/ecoles.htm
En Cycle 3 (CM) : http://www.ac-nancy-metz.fr/ia88/Lubine/chansons_pour_rire.htm

- Georges Perec -

Georges Perec (1936-1982), écrivain, poète, a placé la majeure partie de son oeuvre sous les contraintes de l'Oulipo. Voir le paragraphe consacré à ce Mouvement littéraire et à Raymond Queneau, ainsi que Jean Lescure. Perec est l'auteur de La Vie Mode d’emploi (éditions Hachette/POL 1978) et de La disparition (éditions Denoël, 1969), roman de 300 pages sans la lettre E (voir ci-dessous).

Les contraintes de l'OULIPO, en dehors du plaisir que peut prendre l'auteur au jeu de construction lui-même, produisent parfois d'étonnants effets. On cherchera ici la meilleure diction, pour cette accumulation d'infinitifs.

Déménager

Quitter un appartement. Vider les lieux.
Décamper. Faire place nette. Débarrasser le plancher.
Inventorier, ranger, classer, trier.
Éliminer, jeter, fourguer.
Casser.
Brûler.
Descendre, desceller, déclouer, décoller, dévisser, décrocher.
Débrancher, détacher, couper, tirer, démonter, plier, couper.
Rouler.
Empaqueter, emballer, sangler, nouer, empiler, rassembler, entasser, ficeler, envelopper, protéger, recouvrir, entourer, serrer.
Enlever, porter, soulever.
Balayer.
Fermer.
Partir.

Georges Perec ("Espèces d'espaces" - éditions Galilée, 1974)


L'infinitif à l'infini

Ce procédé a été tenté par des élèves de collège (5e) ici :
http://paroles2.free.fr/demenager.html

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Georges Perec, dans son roman "La Disparition", s'est interdit d'utiliser la lettre "E", la plus fréquente en français. C'est ce qu'on appelle un lipogramme. Ci-dessous, extrait de cet ouvrage, "Vocalisations" est la réécriture sans "E" du poème "Voyelles", d'Arthur Rimbaud (l'original est à la suite). Évidemment, il fallait s'attendre à quelques difficultés, pour l'auteur ... et pour le lecteur.

Vocalisations

A noir, (Un blanc), I roux, U safran, O azur:
Nous saurons au jour dit ta vocalisation :
A, noir carcan poilu d'un scintillant morpion
Qui bombinait autour d'un nidoral impur,

Caps obscurs; qui, cristal du brouillard ou du Khan,
Harpons du fjord hautain, Rois Blancs, frissons d'anis ?
I, carmins, sang vomi, riant ainsi qu'un lis
Dans un courroux ou dans un alcool mortifiant;

U, scintillations, rond divins du flot marin,
Paix du pâtis tissu d'animaux, paix du fin
Sillon qu'un fol savoir aux grands fronts imprima;

O, finitif clairon aux accords d'aiguisoir,
Soupirs ahurissant Nadir ou Nirvâna :
O l'omicron, rayon violin dans son Voir !

Georges Perec ("Espèces d'espaces" - éditions Galilée, 1974)

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Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

Arthur Rimbaud (écrit en 1871, édité en 1883 dans "Lutèce")

- Benjamin Péret -

Benjamin Péret (1899-1959) est un poète français surréaliste ("Le Grand jeu", 1928 édité dans la collection  Poésie/Gallimard en 1969). Membre actif du Mouvement Dada (voir Breton, Desnos, Tzara...), il est celui qui a le plus exploré et pratiqué l'écriture automatique. Dans ses poèmes, il dérange avec humour le sens du texte et des mots, en toute liberté. Révolutionnaire, contre toutes les institutions, il s'engage aux côtés des Républicains en 1936 pendant la guerre civile d'Espagne.
Sur sa tombe on peut lire cette épitaphe qui lui avait sans doute tenu lieu de règle de vie : "Je ne mange pas de ce pain-là."


S'essoufler
 à Max Morisse

Ah fromage voilà la bonne madame
Voilà la bonne madame au lait
Elle est du bon lait du pays qui l'a fait
Le pays qui l'a fait était de son village

Ah village voilà la bonne madame
Voilà la bonne madame fromage
Elle est du pays du bon lait qui l'a fait
Celui qui l'a fait était de sa madame

Ah fromage voilà du bon pays
Voilà du bon pays au lait
Il est du bon lait qui l'a fait du fromage
Le lait qui l'a fait était de sa madame

 

Benjamin Péret ("Le grand jeu", 1928,  Gallimard, réédité en Poésie-Gallimard, 2001)

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Les temps révolus

Le soleil de ma tête est de toutes les couleurs
C'est lui qui brûle les maisons
de paille
où vivent les seigneurs échappés des cratères
et les belles dames qui naissent chaque matin
et meurent chaque soir
comme les moustiques
Moustique de toutes les couleurs
que viens-tu faire ici
II fait un soleil de chien
et la houle secoue les montagnes
maintenant que les montagnes
nagent sur une mer de lumière
une mer sans vie sans poids sans chaleur
où je ne mettrai pas le bout de mon pied

Benjamin Péret ("Le grand jeu", 1928,  Gallimard, réédité en Poésie-Gallimard, 2001)

- Francis Ponge -

Francis Ponge  (1899-1988) est un poète français. Il a reçu en 1984 le grand prix de poésie de l'Académie française.
Il prend dans son premier recueil paru en 1942 "
Le Parti pris des choses".
"Loin de percevoir et de montrer le monde à travers sa subjectivité de poète, Ponge [...] cherche à  donner aux choses,  par les mots,  la possibilité d'une expression. Le poème, sorte d'équivalent neutre de l'objet, devient alors un véritable objet littéraire, un « objeu ». Par une savante et complexe utilisation de l'étymologie, de la graphie, des sons, des jeux de mots, des figures, la poésie de Ponge devient une sorte de redoublement du réel, qui cherche à abolir la distinction entre le mot et la chose". (référence : http://www.proverbes-citations.com/ponge.htm)

"Je n’ai jamais, écrivant les textes dont quelques-uns forment Le Parti Pris des Choses, je n’ai jamais fait que m’amuser, lorsque l’envie m’en prit, à écrire seulement ce qui se peut écrire sans cassement de tête, à propos des choses les plus quelconques, choisies parfaitement au hasard." F Ponge

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Notes prises pour un oiseau
(la présentation du texte a été modifiée pour une lecture plus aisée)

Le mot O I S E A U : il contient toutes les voyelles.
Très bien, j’approuve.
Mais, à la place de l’S, comme seule consonne, j’aurais préféré l’L de l’aile : OILEAU, ou le V du bréchet, le V des ailes déployées, le V d’avis : OIVEAU.
Le populaire dit zozio. L’S je vois bien qu’il ressemble au profil de l’oiseau au repos.
Et oi et eau de chaque côté de l’S, ce sont les deux gras filets de viande qui entourent le bréchet.

Francis Ponge ("La Rage de l’expression" - éditions Gallimard, 1952 - réédition collection Poésie-Gallimard)


Jeu de lettres avec le nom des choses

Choisir un animal ou un objet dans son environnement quotidien, et jouer à mettre en relation les lettres de son nom avec ce qu'il est ou ce qu'il pourrait être, comme l'a fait David Dumortier, ci-dessous, qui a construit son texte à la manière de celui de Francis Ponge. Ces deux exemples sont plutôt difficiles, on proposera d'autres modèles, peut-être en partant d'une production collective, suivant le niveau de la classe.

Notes prises pour une pierre
(ici, la présentation du texte n'a pas été modifiée)
 
Le mot PIERRE : il contient un p, celui qu'il a emprunté aux planètes
pour avoir leur pourtour, très bien,
J'approuve. Mais il contient aussi
Un i, c'est à dire une colonne verticale
Surmontée d'un point ascétique
Si sec et léger qu'il ne touche plus notre monde,
Un éclat perdu...
Deux r qui roulent entre les deux e
En réalité seuls ces deux r sont solides, durs
Et très difficiles à briser.
Autour, c'est de la terre,
Pour traîner dans les champs.
 
David Dumortier  (site et édition du Printemps des Poètes, 2005)

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L' allumette

Le feu faisait un corps à l'allumette.
Un corps vivant, avec ses gestes,
son exaltation, sa courte histoire.
Les gaz émanés d'elle flambaient,
lui donnaient ailes et robes, un corps même:
une forme mouvante,
émouvante.

Ce fut rapide.

La tête seulement a pouvoir de s'enflammer, au contact d'une réalité dure,
-- et l'on entend alors comme le pistolet du starter.
Mais, dès qu'elle a pris,
la flamme
-- en ligne droite, vite et la voile penchée comme un bateau de régate -- 
           parcourt le petit bout de bois,

Qu'à peine a-t-elle viré de bord
finalement elle laisse
aussi noir qu'un curé.

Francis Ponge ("Le Parti pris des choses" - éditions Gallimard, 1942 - réédition collection Poésie-Gallimard, avec "Douze petits écrits" et "Proêmes")

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Le savon (extrait)

Si je m'en frotte les mains, le savon écume, jubile...
Plus il les rend complaisantes, souples,
liantes, ductiles, plus il bave, plus
sa rage devient volumineuse et nacrée ...

Pierre magique !
Plus il forme avec l'air et l'eau
des grappes explosives de raisins
parfumés...
L'eau, l'air et le savon
se chevauchent, jouent
à saute-mouton, forment des
combinaisons moins chimiques que
physiques, gymnastiques, acrobatiques...

[...]
Il y a beaucoup à dire à propos du savon. Exactement tout ce qu'il raconte de lui-même jusqu'à la disparition complète, épuisement du sujet. Voilà l'objet même qui me convient.

[...] Le savon a beaucoup à dire. Qu'il le dise avec volubilité, enthousiasme. Quand il a fini de le dire, il n'existe plus

Francis Ponge ("Le savon" - éditions Gallimard, 1967 - réédition collection L'imaginaire, Gallimard, 1992)

- Christian Poslaniec -

Christian Poslaniec, enseignant, pédagogue, romancier et poète pour la jeunesse, est né en 1944.
Quelques titres :
Fleurs de Carmagnole (éditions Saint-Germain-des-Prés, 1978) ; Concerto pour palette et rimes (éditions de L'école des loisirs, 1993) ; Poèmes en clé de scie pour les enfants en cage (éditions d'Utovie, 1976) ; Le chat de mon école marque toujours midi (éditions Lo Païs d’Enfance, 2002) ; Comme une pivoine (Éditions du Jasmin, 2008).

Mon arbre à moi

Lorsque je le caresse
Mon arbre apprivoisé
Se dresse
Sur la pointe des feuilles
dans le vent.

Alors moi je lui cueille
Un bouquet d'oiseaux blancs
et il remue la tête,
heureux
en souriant
d'un grand rire d'écorce
pour me faire la fête.

Christian Poslaniec ("Fleurs de Carmagnole" - éditions Saint-Germain-des-Prés, 1978)

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Cheval d'avril

Lorsque j'étais cheval
il y a deux mille ans
je galopais sans fin
je galopais longtemps

et c'est en galopant
que je suis devenu
galopin

depuis je cours tout le temps
les cheveux dans le vent
et le ventre tout nu.

Christian Poslaniec ("Poèmes en clé de scie pour les enfants en cage" - éditions d'Utovie, 1976)

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Douze ans

Trompée par les reflets de ses douze bougies
qu'elle avait prises pour des étoiles,
Francine s'engloutit dans la nuit blanche et ronde
du gâteau meringué nappé de chantilly
et dansa douze fois, légère,
au bout du monde.

Et quand elle revint
deux paillettes de neige
brillaient dans ses yeux.

Christian Poslaniec

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Pêchette surprise

Le pêcheur a attrapé une perche
qui aussitôt s'est perchée sur ses genoux.
Il faut s'attendre à tout quand on va à la pêche !
Puis elle a dit d'un air très doux :
poisson chat c'est toi qui le seras !

Christian Poslaniec

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Une autre prise poétique de ce pêcheur de jeux de mots à la ligne :

La tanche
 
Si t'attrapes une tanche
Et que la tanche fuit
C'est qu'ell' n'est pas étanche.

Est-ce dire
Que pour la pêcher
Mieux vaut lui coller une rustine
Qu'un hameçon au bout du nez ?

Christian Poslaniec

- Jacques Prévert -

Jacques Prévert (1900-1977), poète surréaliste à ses débuts, ami entre-autres de Raymond Queneau, s'éloignera de ce mouvement pour une poésie "populaire", frondeuse, parfois très caustique à l'endroit des corps constitués : l'Armée, l'Église, les institutions ... Une grande partie de son œuvre poétique, en prose ou en vers libres, est accessible aux plus jeunes, avec des textes pleins d'humour et d'humanité, petites saynètes du quotidien.
Jacques Prévert est très présent dans les cahiers de récitation. "Paroles" (1945), est un des recueils de poésie les plus vendus et les plus traduits dans le monde.
Prévert est aussi auteur de théâtre et parolier ("Les feuilles mortes", pour ne citer qu'une chanson), ainsi que scénariste de films (Quai des brumes, les Visiteurs du soir, les Enfants du paradis) réalisés par Marcel Carné.

Comme souvent en poésie, quand les textes sont destinés aux élèves, on en coupe des passages. Le poème bien connu qui suit, un classique pour les exercices de création poétique, est en version originale. A vous de juger si ...

Cortège

Un vieillard en or avec une montre en deuil
Une reine de peine avec un homme d'Angleterre
Et des travailleurs de la paix avec des gardiens de la mer
Un hussard de la farce avec un dindon de la mort
Un serpent à café avec un moulin à lunettes
Un chasseur de corde avec un danseur de têtes
Un maréchal d'écume avec une pipe en retraite
Un chiard en habit noir avec un gentleman au maillot
Un compositeur de potence avec un gibier de musique
Un ramasseur de conscience avec un directeur de mégots
Un repasseur de Coligny avec un amiral de ciseaux
Une petite soeur du Bengale avec un tigre de Saint-Vincent-de-Paul
Un professeur de porcelaine avec un raccommodeur de philosophie
Un contrôleur de la Table Ronde avec des chevaliers de la Compagnie du Gaz de Paris
Un canard à Sainte-Hélène avec un Napoléon à l'orange
Un conservateur de Samothrace avec une victoire de cimetière
Un remorqueur de famille nombreuse avec un père de haute mer
Un membre de la prostate avec une hypertrophie de l'Académie française
Un gros cheval in partibus avec un grand évêque de cirque
Un contrôleur à la croix de bois avec un petit chanteur d'autobus
Un chirurgien terrible avec un enfant dentiste
Et le général des huîtres avec un ouvreur de Jésuites.

Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)


Poèmes à la manière de "Cortège"  

La structure du poème se prête facilement au "mariage" de deux groupes nominaux, reliés par "avec". On pourra favoriser la production individuelle par les élèves d'éléments séparés, et les apparier collectivement, ou par groupes de recherche. Avec de grands élèves, le vers complet peut-être créé individuellement ou dans le groupe.

Exemples [proposés par le blog]:

un cheval de manège  avec une bretelle d'autoroute >> un cheval d'autoroute avec une bretelle de manège
ou, en choisissant un thème unique pour le poème :

Les animaux se marient
un cheval de manège  avec un poisson d'aquarium   >> un cheval d'aquarium avec un poisson de manège
autre thème : Étonnants métiers disparus
un directeur d'école avec un coiffeur pour chiens   >> un coiffeur d'école avec un directeur pour chiens

Imaginez des illustrations pour les textes produits !
Voyez ICI quelques consignes , et des productions d'élèves ICI  :

 http://www.saxon.ch/ecoles/5p_yves/2001_2002/poesies_ex.ecrite/prevert.htm

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Soyez polis (2e strophe du poème)

(...)

Il faut être très poli avec la Terre
Et avec le Soleil
Il faut les remercier le matin en se réveillant
Il faut les remercier pour la chaleur
Pour les arbres
Pour les fruits
Pour tout ce qui est bon à manger
Pour tout ce qui est beau à regarder
À toucher
Il faut les remercier
Il ne faut pas les embêter...
Les critiquer
Ils savent ce qu'ils ont à faire
Le Soleil et la Terre
Alors il faut les laisser faire
Ou bien ils sont capables de se fâcher
Et puis après
On est changé
En courge
En melon d'eau
Ou en pierre à briquet
Et on est bien avancé...
Le soleil est amoureux de la Terre
Ça les regarde
C'est leur affaire
Et quand il y a des éclipses
Il n'est pas prudent ni discret de les regarder
Au travers de sales petits morceaux de verre fumé
Ils se disputent
C'est des histoires personnelles
Mieux vaut ne pas s'en mêler
Parce que
Si on s'en mêle on risque d'être changé
En pomme de terre gelée
Ou en fer à friser
Le Soleil aime la Terre
La Terre aime le Soleil
Et elle tourne
Pour se faire admirer
Et le Soleil la trouve belle
Et il brille sur elle
Et quand il est fatigué
Il va se coucher
Et la Lune se lève
La lune c'est l'ancienne amoureuse du Soleil
Mais elle a été jalouse
Et elle a été punie
Elle est devenue toute froide
Et elle sort seulement la nuit
Il faut aussi être très poli avec la Lune
Ou sans ça elle peut vous rendre un peu fou
Et elle peut aussi
Si elle veut
Vous changer en bonhomme de neige
En réverbère
Ou en bougie
En somme pour résumer
Deux points, ouvrez les guillemets :
" Il faut que tout le monde soit poli avec le monde ou alors il y a des guerres ... des épidémies des tremblements de terre
des paquets de mer des coups de fusil ...
Et de grosses méchantes fourmis rouges qui viennent vous dévorer les pieds pendant qu'on dort la nuit. "

Jacques Prévert ("Histoires" - Éditions Gallimard, 1946 et 1963)

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Bain de soleil

La salle de bains est fermée à clef
Le soleil entre par la fenêtre
et il se baigne dans la baignoire
et il se frotte avec le savon
et le savon pleure
il a du soleil dans l'oeil.

Jacques Prévert ("Textes divers"  (1929-1977) - Oeuvres complètes tome II - Gallimard-La Pléiade, 1996)

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L'amiral

L'amiral Larima
Larima quoi
la rime à rien
l'amiral Larima
l'amiral Rien.

Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)

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Frontières

- Votre nom ?
- Nancy.
- D'où venez-vous ?
- Caroline.
- Où allez-vous ?
- Florence.
- Passez.

- Votre nom ?
- On m'appelle Rose de Picardie, Blanche de Castille,
  Violette de Parme ou Bleue de Méthylène.
- Vous êtes mariée ?
- Oui.
- Avec qui ?
- Avec Jaune d'Oeuf.
- Passez.

Jacques Prévert ("Choses et autres" - Gallimard, 1972)

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Et la fête continue

Debout devant le zinc
Sur le coup de dix heures
Un grand plombier zingueur
Habillé en dimanche et pourtant c'est lundi
Chante pour lui tout seul
Chante que c'est jeudi
Qu'il n'ira pas en classe
Que la guerre est finie
Et le travail aussi
Que la vie est si belle
Et les filles si jolies
Et titubant devant le zinc
Mais guidé par son fil à plomb
Il s'arrête pile devant le patron
Trois paysans passeront et vous paieront
Puis disparaît dans le soleil
Sans régler les consommations
Disparaît dans le soleil tout en continuant sa chanson

Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)

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Le coquillage

Dans une chambre au sixième
Un coquillage est posé sur la table
soudain il se met à chanter
L'homme est réveillé par le bruit de la mer
il voit le coquillage
il lui sourit
il veut le prendre avec les mains
mais le coquillage s'enfuit

Jacques Prévert

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Chanson pour chanter à tue-tête et à cloche-pied

Un immense brin d'herbe
Une toute petite forêt
Un ciel tout à fait vert
Et des nuages en osier
Une église dans une malle
La malle dans un grenier
Le grenier dans une cave
Sur la tour d'un château
Le château à cheval
A cheval sur un jet d'eau
Le jet d'eau dans un sac
A côté d'une rose
La rose d'un fraisier
Planté dans une armoire
Ouverte sur un champ de blé
Un champ de blé couché
Dans les plis d'un miroir
Sous les ailes d'un tonneau
Le tonneau dans un verre
Dans un verre à Bordeaux
Bordeaux sur une falaise
Où rêve un vieux corbeau
Dans le tiroir d'une chaise
D'une chaise en papier
En beau papier de pierre
Soigneusement taillé
Par un tailleur de verre
Dans un petit gravier
Tout au fond d'une mare
Sous les plumes d'un mouton
Nageant dans un lavoir
A la lueur d'un lampion
Éclairant une mine
Une mine de crayons
Derrière une colline
Gardée par un dindon
Un gros dindon assis
Sur la tête d'un jambon
Un jambon de faïence
Et puis de porcelaine
Qui fait le tour de France
A pied sur une baleine
Au milieu de la lune
Dans un quartier perdu
Perdu dans une carafe
Une carafe d'eau rougie
D'eau rougie à la flamme
A la flamme d'une bougie
Sous la queue d'une horloge
Tendue de velours rouge
Dans la cour d'une école
Au milieu d'un désert
Où de grandes girafes
Et des enfants trouvés
Chantent chantent sans cesse
A tue-tête à cloche-pied
Histoire de s'amuser
Les mots sans queue ni tête
Qui dansent dans leur tête
Sans jamais s'arrêter

Et on recommence
Un immense brin d'herbe
Une toute petite forêt ...

etc, etc, etc.

Jacques Prévert

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Les animaux ont des ennuis

à Christiane Verger

Le pauvre crocodile n’a pas de C cédille
On a mouillé les L de la pauvre grenouille
Le poisson scie a des soucis
Le poisson sole, ça le désole
Mais tous les oiseaux ont des ailes
Même le vieil oiseau bleu
Même la grenouille verte
Elle a deux L avant l’E

Laissez les oiseaux à leur mère
Laissez les ruisseaux dans leur lit
Laissez les étoiles de mer
Sortir si ça leur plaît la nuit
Laissez les p’tits enfants briser leur tirelire
Laissez passer le café si ça lui fait plaisir

La vieille armoire normande et la vache bretonne
Sont parties dans la lande en riant comme deux folles
Les petits veaux abandonnés pleurent
Comme des veaux abandonnés
Car les petits veaux n’ont pas d’ailes
Comme le vieil oiseau bleu
Ils ne possèdent à eux deux
Que quelques pattes et deux queues

Laissez les oiseaux à leur mère
Laissez les ruisseaux dans leur lit
Laissez les étoiles de mer
Sortir si ça leur plaît la nuit
Laissez les éléphants ne pas apprendre à lire
Laissez les hirondelles aller et revenir

Jacques Prévert

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Être ange

Être ange
C'est étrange
Dit l'ange
Être âne
C'est étrâne
Dit l'âne
Cela ne veut rien dire
Dit l'ange en haussant les ailes
Pourtant
Si étrange veut dire quelque chose
Étrâne est plus étrange qu'étrange
Dit l'âne
Étrange est
Dit l'ange en tapant des pieds
Étranger vous-même
Dit l'âne
Et il s'envole

Jacques Prévert

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Quartier libre

J'ai mis mon képi dans la cage
et je suis sorti avec l'oiseau sur la tête
Alors
on ne salue plus
a demandé le commandant
Non
a répondu l'oiseau
Ah bon
excusez-moi je croyais qu'on saluait
a dit le commandant
Vous êtes tout excusé tout le monde peut se tromper
a dit l'oiseau.

Jacques Prévert

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Les belles familles

Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVII
Louis XVIII

et plus personne plus rien...
qu'est-ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus
de compter jusqu'à vingt ?

Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)
 

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J’ai vu passer un homme (titre proposé)

Un matin
dans une cour de la rue de la Colombe ou de la rue
des Ursins
des voix d'enfants
chantèrent quelque chose comme ça :

Au coin d’la rue du Jour
et d’la rue Paradis
j’ai vu passer un homme
y a que moi qui l’ai vu
j’ai vu passer un homme
tout nu en plein midi
y a que moi qui l’ai vu
pourtant c’est moi l’plus petit
les grands y savent pas voir
surtout quand c’est marrant surtout quand c’est joli

Il avait des ch’veux d’ange
une barbe de fleuve
une grande queue de sirène
une taille de guêpe
deux pieds de chaise Louis treize
un tronc de peuplier
et puis un doigt de vin
et deux mains de papier
une toute petite tête d’ail
une grande bouche d’incendie
et puis un œil de bœuf
et un œil de perdrix

Au coin d’la rue du Jour
et d’la rue Paradis
c'est là que je l’ai vu
un jour en plein midi
c'est pas le même quartier
mais les rues se promènent partout où ça leur plaît.

Jacques Prévert ("Grand bal du printemps" - 1951 et Gallimard, 1976)

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La pêche à la baleine

À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine,
Disait le père d'une voix courroucée
À son fils Prosper, sous l'armoire allongé,
À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine,
Tu ne veux pas aller,
Et pourquoi donc ?
Et pourquoi donc que j'irais pêcher une bête
Qui ne m'a rien fait, papa,
Va la pêpé, va la pêcher toi-même,
Puisque ça te plaît,
J'aime mieux rester à la maison avec ma pauvre mère
Et le cousin Gaston.
Alors dans sa baleinière le père tout seul s'en est allé
Sur la mer démontée...
Voilà le père sur la mer,
Voilà le fils à la maison,
Voilà la baleine en colère,
Et voilà le cousin Gaston qui renverse la soupière,
La soupière au bouillon.
La mer était mauvaise,
La soupe était bonne.
Et voilà sur sa chaise Prosper qui se désole :
À la pêche à la baleine, je ne suis pas allé,
Et pourquoi donc que j'y ai pas été ?
Peut-être qu'on l'aurait attrapée,
Alors j'aurais pu en manger.Mais voilà la porte qui s'ouvre, et ruisselant d'eau
Le père apparaît hors d'haleine,
Tenant la baleine sur son dos.
Il jette l'animal sur la table,
une belle baleine aux yeux bleus,
Une bête comme on en voit peu,
Et dit d'une voix lamentable :
Dépêchez-vous de la dépecer,
J'ai faim, j'ai soif, je veux manger.Mais voilà Prosper qui se lève,
Regardant son père dans le blanc des yeux,
Dans le blanc des yeux bleus de son père,
Bleus comme ceux de la baleine aux yeux bleus :
Et pourquoi donc je dépècerais une pauvre bête qui m'a rien fait ?
Tant pis, j'abandonne ma part.
Puis il jette le couteau par terre,
Mais la baleine s'en empare, et se précipitant sur le père
Elle le transperce de père en part.
Ah, ah, dit le cousin Gaston,
On me rappelle la chasse, la chasse aux papillons.

Et voilà
Voilà Prosper qui prépare les faire-part,
La mère qui prend le deuil de son pauvre mari
Et la baleine, la larme à l'œil contemplant le foyer détruit.
Soudain elle s'écrie :
Et pourquoi donc j'ai tué ce pauvre imbécile,
Maintenant les autres vont me pourchasser en moto-godille
Et puis ils vont exterminer toute ma petite famille.
Alors éclatant d'un rire inquiétant,
Elle se dirige vers la porte et dit
À la veuve en passant :
Madame, si quelqu'un vient me demander,
Soyez aimable et répondez :
La baleine est sortie,
Asseyez-vous,
Attendez là,
Dans une quinzaine d'années, sans doute elle reviendra...

Jacques Prévert ("Paroles" - Les Éditions du Point du Jour, 1946 et Gallimard, 1949)

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Voici un court texte expiatoire...

Mea culpa

C’est ma faute
C’est ma faute
C’est ma très grande faute d’orthographe
Voilà comment j’écris
Giraffe.

Jacques Prévert ("Histoires" - Éditions Gallimard, 1946 et 1963)

... auquel Prévert apporte un rectificatif (un codicille) clin-d'oeil quelques années après dans un autre recueil. Les élèves apprécieront  :

Sans faute (codicille)


J'ai eu tort d'avoir écrit cela autrefois
Je n'avais pas à me culpabiliser
Je n'avais fait aucune phaute d'ortographe
J'avais simplement écrit giraffe en anglais.

Jacques Prévert ("Choses et autres" - Gallimard, 1966 et 1972)



Jouer avec l'orthographe

Choisir des noms d'objets ou d'animaux, et imaginer une bonne raison de les orthographier différemment.
Exemple :
Éléphant s'écrira ailéphant pour être plus léger et voyager, éléfan s'il est supporter d'une équipe de rugby (le pack), éléfaon s'il est adopté par une biche (c'est n'importe quoi ça) ...
Il reste à construire une histoire à la manière peut-être d'un article de presse, ou d'un conte ("Il était une fois...").

Cet exercice se rapproche des mots-valise, décrits ailleurs.

 

- Raymond Queneau et l' OULIPO -

Raymond Queneau (1903-1976) a appartenu au mouvement surréaliste, dont il a été exclu, comme bien d'autres. Il est l'un des fondateurs du mouvement littéraire l'OuLiPo (ou OULIPO : Ouvroir de Littérature Potentielle). Jacques Bens, Jean Lescure, Georges Perec, Jacques Roubaud appartiennent à ce mouvement, caractérisé par des contraintes littéraires d'écriture, telles que l'absence d'une voyelle (Georges Perec : La Disparition), une réécriture de poèmes connus (comme le texte de Raymond Queneau présenté ici), etc. On en trouvera des exemples sur le blog, voyez le SOMMAIRE en page 1 de cette catégorie.
Auteur en particulier d' Exercices de style (60 formes différentes à partir d'un même texte) et de Zazie dans le Métro, Raymond Queneau publie en 1961 l'ouvrage Cent Mille Milliards de Poèmes, qui permet par combinaisons de vers de composer une infinité (ou presque !) de sonnets  réguliers.
Il est élu à l'Académie Goncourt en 1951.

Pour un art poétique

Prenez un mot prenez en deux
faites les cuir' comme des œufs
prenez un petit bout de sens
puis un grand morceau d'innocence
faites chauffer à petit feu
au petit feu de la technique
versez la sauce énigmatique
saupoudrez de quelques étoiles
poivrez et mettez les voiles
Où voulez vous donc en venir ?
À écrire Vraiment ? À écrire ?

Raymond Queneau ("Le Chien à la mandoline" - Gallimard, 1965)

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Cent mille milliards de poèmes

Raymond Queneau précise dans la présentation de l'ouvrage :

"C'est plus inspiré par le livre pour enfants intitulé "Têtes folles" * que par les jeux surréalistes du genre Cadavre exquis que j'ai conçu  et réalisé ce petit ouvrage qui permet à tout un chacun de composer à volonté cent mille milliards de sonnets, tous réguliers bien entendu. C'est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes".

* Le livre-jeu "Têtes folles" propose 3 séries de languettes mobiles montées sur des anneaux, tête, corps, jambes, pour créer par d'innombrables combinaisons (cent mille milliards aussi ?), de drôles de personnages. Ce principe a été par la suite réutilisé avec des images d'animaux.
L'œuvre de Queneau est constituée, elle, de 14 vers sous 10 versions différentes pour chaqcun, c'est à dire 1014 combinaisons

Raymond Queneau dit encore à propos de son ouvrage : "En comptant 45 s pour lire un sonnet et 15 s pour changer les volets à 8 heures par jour, 200 jours par an, on a pour plus d’un million de siècles de lecture, et en lisant toute la journée 365 jours par an, pour 190 258 751 années plus quelques plombes et broquilles (sans tenir compte des années bissextiles et autres détails)" (Citation empruntée à http://savoir.pingouin.org/index.php/Cent_Mille_Milliards_de_Po%C3%A8mes)

Malgré tout, cet exercice se rapproche dans son principe, et pour la création poétique avec les élèves, du Cadavre exquis décrit dans cette catégorie au paragraphe consacré à André Breton (voir le SOMMAIRE).

Une des cent mille milliards de versions possibles* ...

Il se penche il voulait attraper sa valise
se faire il pourrait bien que ce soit des jumeaux
la découverte alors voilà qui traumatise
des narcisses on cueille ou bien on est des veaux

L'un et l'autre a raison non la foule insoumise
qui clochard devenant jetait ses oripeaux
un frère même bas est la part indécise
à tous n'est pas donné d'aimer les chocs verbaux

La Grèce de Platon à coup sûr n'est point sotte
on comptait les esprits acérés à la hotte
il voudra retrouver le germe adultérin

Ne fallait pas si loin agiter ses breloques
tu me stupéfies plus que tous les ventriloques
le Beaune et le Chianti sont-ils le même vin ?

Raymond Queneau ("Cent mille milliards de poèmes" - Gallimard 1961)

* Voir à cette adresse, où a été emprunté le texte qui précède, l'intégralité des 1014 combinaisons de vers pour "Cent mille milliards de poèmes" :
http://membres.lycos.fr/bouillondepoesie/auteur_Queneau.htm


Le "Poème multiple", sur le principe de Cent mille milliards de poèmes

Le poème multiple propose un choix (ou laisse faire le hasard*) de plusieurs écritures possibles pour chacun de ses vers, capable de produire au final un poème différent mais correct (du point de vue grammatical au moins).
Comme pour le Cadavre exquis, cette activité suppose une maîtrise par les élèves de la structure de la phrase et de la relation logique entre ses différents éléments.

  1. Avec des rimes :

On pourra se limiter pour la création du poème multiple à un quatrain avec trois, quatre ou cinq versions de chaque vers. Calculez le nombre de combinaisons, c'est déjà pas si mal !
Choisir 2 séries de syllabes-rimes des plus répandues, comme dans le texte de Queneau : age, eure, ise, ote, in, sous leurs différentes graphies ; et/ou des sons voyelles pour jouer plus facilement sur des assonances : a, o, i, u, ou, au, on...

Se constituer un stock de mots regroupés par rimes.

Exemple 1 : Structurer le poème de manière à construire une phrase avec  les deux premiers vers et une deuxième avec les deux derniers. Pour le quatrain, on aura le choix entre des rimes alternées ou embrassées. Masculines-féminines, mais sans contrainte, c'est déjà assez ardu !
On décidera si les variantes du poème doivent présenter une certaine logique, ou si on se donne toutes les libertés.
Ce premier exemple proposé par le blog est en alexandrins. On a utilisé ici la même structure interne pour chaque groupe de vers, constituée d'une phrase simple pour la première série. Le quatrain est lui-même structuré en 4 parties. L'ensemble tente de rester dans le thème annoncé par le titre :

Les évadés du zoo

1. Le lion dévorait un lièvre de passage / Le canari sciait les barreaux de sa cage / Une tortue bronzait toute nue sur la plage / Un chameau traversait la rivière à la nage

2. Sans se préoccuper ni du jour ni de l'heure / En songeant que demain arriverait sa sœur / Le désir d'aventure est plus fort que la peur / Un complice attendait sur son vélomoteur

3. Quand tout-à-coup  a éclaté un gros orage / Mais la police est arrivée dans les parages  / Une tempête a traversé le paysage / C'était le jour de l'ouverture de la chasse (assonance)

4. L'horoscope annonçait des lendemains meilleurs  / Les animaux les plus futés font des erreurs / Les émotions ont provoqué l'arrêt du cœur / Qui saura consoler le gardien en pleurs ?

(proposé par le blog)


Exemple 2 : On garde le principe des rimes ou assonances, mais en se rapprochant de la structure proposée pour le Cadavre exquis (développé au paragraphe André Breton). Puisqu'il n'y a qu'une phrase finalement par production, on peut construire un texte en regroupant plusieurs variantes :

1. C'est un arbre de la forêt / C'est un petit chat tigré / C'est une fée mal réveillée / C'est un nuage sur le clocher
2. qui a mangé /qui a rayé / qui a caché / qui a volé
3. la camionnette / le pantalon / la bague / les lunettes
4. du boulanger / de la mariée / du jardinier / de mon pépé

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Une présentation du "poème multiple" en choisissant les lignes ou en laissant faire le hasard :

  1. Écrire chaque vers sur un panneau  fixé sur un axe vertical (à la manière d'une girouette ou d'un panneau de signalisation à directions multiples). Un axe porte autant de panneaux rayonnants que de différentes écritures pour chaque vers. Autant d'axes donc, que le poème a de vers. Installer les axes en ligne (ce n'est pas la présentation habituelle d'un poème en vers, mais c'est déjà assez compliqué). On obtient un poème différent en faisant tourner les "girouettes" les unes après les autres (prévoir un système d'arrêt-blocage pour la lecture en ligne).

  2. Écrire chaque vers sur des disques (à l'image d'une roue de loterie foraine). Autant de disques que de vers au poème. Aligner les roues, comme précédemment les panneaux. L'axe central peut être fixé sur une longue planche. On fait tourner la roue, et un repère indique le vers à lire quand elle s'arrête.

  3. Présentation en utilisant des rouleaux de longueur et de diamètre suffisant. L'idéal serait de se procurer des tubes de protection ayant servi à l'expédition ou à la protection de posters. Chaque tube pourrait sans doute être coupé en deux au milieu diamétralement pour donner deux supports. Il faudra autant de rouleaux que de vers au poème. On collera les écritures autour de chaque rouleau en longueur. Les rouleaux  seront enfilés sur le même axe fixe. Ce sont eux qu'on fait tourner. Ici encore, la difficulté est d'arrêter la lecture approximativement au même niveau sur toute la longueur. Variante de disposition : Les rouleaux sont alignés les uns en-dessous des autres, portés sur une structure (cadre en bois par exemple), comme un boulier géant. L'avantage est de présenter le "poème multiple" dans sa disposition traditionnelle.

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La règle S+7

Autre exercice oulipien, imaginé par Jean Lescure (voir au paragraphe de cet auteur ci-dessus)

Ci-dessous le texte de départ (la première fable dans l'œuvre de La Fontaine), auquel Raymond Queneau a appliqué la règle, en utilisant sans doute un dictionnaire des plus fourmnis !

La cigale et la fourmi

La cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien : dansez maintenant."

Jean de la Fontaine 1621-1695 ; (Fables, livre 1 - première fable - cet ouvrage a connu d'innombrables éditions)

La fable classique transformée reste reconnaissable par sa structure, intacte,  maintenue par le lien des mots inchangés, pronoms, déterminants, conjonctions, prépositions, adverbes :

La Cimaise et la Fraction

La Cimaise ayant chaponné
Tout l’éternueur
Se tuba fort dépurative
Quand la bixacée fut verdie :
Pas un sexué pétrographique morio
De mouffette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique,
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu’à la salanque nucléaire.
"Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
Avant l’apanage, folâtrerie d’Annamite !
Interlocutoire et priodonte."
La Fraction n’est pas prévisible :
C’est là son moléculaire défi.
"Que ferriez-vous au tendon cher ?
Discorda-t-elle à cette enarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
- Vous chaponniez ? J’en suis fort alarmante.
Eh bien ! débagoulez maintenant."

Raymond Queneau  ("Variations sur S+7 - OULIPO, La Littérature potentielle" - éditions Gallimard, 1973)


Des poèmes sur le principe de S+7
Cet exercice s'adresse aux grandes classes, C3 et collège, puisque les élèves doivent être capables d'utiliser aisément le dictionnaire et d'identifier précisément la nature des mots du poème auxquels va s'appliquer la transformation : noms communs, adjectifs et verbes (les adverbes n'ont pas subi de transformation dans la fable).
Le matériel indispensable est un dictionnaire par élève, adapté au niveau de la classe (pas le Littré, que peut-être Queneau a utilisé !...).
On choisira un texte de départ assez court, structuré. La fable est un modèle de départ intéressant.
Ils procèdent à la recherche dans le dictionnaire de chaque mot à transformer, en repérant le 7e mot de même nature (et de même genre pour les noms) qui suit. Ce mot remplacera exactement l'original, c'est-à-dire qu'il devra s'accorder en genre et en nombre. Pour les verbes, il sera conjugué au même temps et à la même personne que celui qu'il remplace. On ne se préoccupe pas des rimes, bien entendu.
Si on rencontre une trop grande difficulté (de sens, d'accord...) on s'autorisera à choisir plutôt le mot suivant ou précédent.

  1. Variante : évidemment S+7 n'est pas la seule transformation possible. On essaiera par exemple S+6 ou S-4.  D'ailleurs, à partir d'un même poème original, les élèves pourront choisir chacun une formule de transformation différente. On comparera les variantes, on les regroupera peut-être dans un même recueil.


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Cris de Paris

On n'entend plus guère le repasseur de couteaux
le réparateur de porcelaines le rempailleur de chaises
on n'entend plus guère que les radios qui bafouillent
des tourne-disques des transistors et des télés
ou bien encore le faible aye aye ouye ouye
que pousse un piéton écrasé

Raymond Queneau ("Courir les rues" - 1967, Gallimard poésie)

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Queneau s'intéresse à nouveau aux deux insectes de la célèbre fable de La Fontaine, dans une scène inattendue et enlevée :

La fourmi et la cigale

Une fourmi fait l'ascension
d'une herbe flexible
elle ne se rend pas compte
de la difficulté de son entreprise
elle s'obstine la pauvrette
dans son dessein délirant
pour elle c'est un Everest
pour elle c'est un Mont Blanc
ce qui devait arriver arrive
elle choit patatratement
une cigale la reçoit
dans ses bras bien gentiment
eh dit-elle point n'est la saison
des sports alpinistes
(vous ne vous êtes pas fait mal j'espère ?)
et maintenant dansons dansons
une bourrée ou la matchiche.

Raymond Queneau ("Battre la campagne" - 1967, Gallimard poésie, même ouvrage que "Courir les rues")

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L'auteur s'affranchit ici du lexique et des règles d'orthographe, exercice qu'il affectionne :

Maigrir

Y en a qui maigricent sulla terre
Du vente du coq-six ou des jnous
Y en qui maigricent le caractère
Y en a qui maigricent pas du tout
Oui mais
Moi jmégris du bout des douas
Oui du bout des douas Oui du bout des douas
Moi jmégris du bout des douas
Seskilya dplus distinglé

II

Lautt jour Boulvar de la Villette
Vlà jrenconte le bœuf à la mode
Jlui dis Tu mas l’air un peu blett
Viens que jte paye une belle culotte
Seulement jai pas pu passque
Moi jmégris du bout des douas
Oui du bout des douas Oui du bout des douas
Moi jmégris du bout des douas
Seskilya dplus distinglé

III

Dpuis ctemps jfais pus dgymnastique
Et jmastiens des sports d’hiver
Et comme avec fureur jmastique
Je pense que si je persévère
Eh bien
Jmégrirai du bout des douas
Oui du bout des douas Oui du bout des douas
Jmégrirai même de partout
Même de lesstrémité du cou

Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1966, Gallimard poésie, même ouvrage que "Les Ziaux").
Sur une musique de Gérard Calvi, ce texte est devenu une chanson, interprétée par Denise Benoît (voir paragraphe Roland Bacri) en 1968, Les Charlots (1977), d'autres sans doute ... 

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Pauvre type

Toto a un nez de chèvre et un pied de porc
Il porte des chaussettes
en bois d'allumette
et se peigne les cheveux
avec un coupe-papier qui a fait long-feu
S'il s'habille les murs deviennent gris
S'il se lève le lit explose
S'il se lave l'eau s'ébroue
Il a toujours dans la poche
un vide-poche

Pauvre type

Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1966, Gallimard poésie, même ouvrage que "Les Ziaux")

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Encore l'art po

C'est mon po - c'est mon po - mon poème
Que je veux - que je veux - éditer
Ah je l'ai - ah je l'ai - ah je l'aime
Mon popo - mon popo - mon pommier

Oui mon po - oui mon po - mon poème
C'est à pro - à propos - d'un pommier
Car je l'ai - car je l'ai - car je l'aime
Mon popo - mon popo - mon pommier

Il donn' des - il donn' des - des poèmes
Mon popo - mon popo - mon pommier
C'est pour ça - c'est pour ça - que je l'aime
La popo - la popomme - au pommier

Je la sucre - et j'y mets - de la crème
Sur la po - la popomme - au pommier
Et ça vaut - ça vaut bien - le poème
Que je vais - que je vais - éditer

Raymond Queneau ("Le chien à la mandoline" - Gallimard, 1965)

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L’arbre qui pense

L’arbre qui pense
les pieds dans sa grille
à quoi pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
Le chien qui pense
la patte en l’air
que pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
le pavé qui pense le ventre poli de pas
que pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
ciel toits et nuages
voyez-moi
là tout en bas
qui marche
et qui pense à l’arbre qui pense
au chien au pavé
oh ça oh mais à quoi pensent-ils donc
à quoi pensent-ils donc

Raymond Queneau ("Le chien à la mandoline" - Gallimard, 1965) - toujours sans ponctuation

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Égocentrisme

Je m'attendais au coin de la rue
j'avais envie de me faire peur
en effet lorsque je me suis vu
j'ai reculé d'horreur

Faisant le tour du pâté de maisons
je me suis cogné contre moi-même
c'est ainsi qu'en toute saison
on peut se distraire à l'extrême

Raymond Queneau ("Le chien à la mandoline" - Gallimard, 1965)

- Jules Renard -

Jules Renard (1864-1910), écrivain, poète, est célèbre pour son Journal, le roman  Poil de carotte, et les Histoires Naturelles, (1896) chef-d'oeuvre de concision imagée ou de saynètes théâtrales dans l'évocation des animaux.



Tirés de son livre, Histoires Naturelles (éditions Flammarion, 1896 - nombreuses rééditions : photo de l'édition de poche Ganier-Flammarion en 2000)
d'abord ces croquis si justes de petits puis de plus gros animaux :

Le lézard

[...]
Le mur
- Je ne sais quel frisson me passe sur le dos.
Le lézard
- C’est moi.
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Le serpent

Trop long.
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Le cafard

Noir et collé comme un trou de serrure.
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Le ver

En voilà un qui s’étire et qui s’allonge comme une belle nouille.
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Le ver luisant

Que se passe-t-il ? Neuf heures du soir et il y encore de la lumière chez lui.
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L'araignée

Une petite main noire et poilue crispée sur des cheveux.
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Le hanneton

1
.

Un bourgeon tardif s'ouvre et s'envole du marronier.
2.

Plus lourd que l'air, à peine dirigeable, têtu et ronchonnant, il arrive tout de même au but, avec ses ailes en chocolat.
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Les fourmis

Chacune d'elles ressemble au chiffre 3.
Et il y en a ! il y en a !

Il y en a 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 ... jusqu'à l'infini.

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L'escargot

Casanier dans la saison des rhumes, son cou de girafe rentré, l'escargot bout comme un nez plein. Il se promène dès les beaux jours, mais il ne sait marcher que sur la langue.
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La puce

Un grain de tabac à ressort.
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Le papillon

Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur.
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La demoiselle (ou libellule)
Elle soigne son ophtalmie. D'un bord à l'autre de la rivière, elle ne fait que tremper dans l'eau fraîche ses yeux gonflés.
Et elle grésille, comme si elle volait à l'électricité.
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L'écureuil

1.

Du panache ! du panache ! oui, sans doute ; mais, mon petit ami, ce n'est pas là que ça se met.
2.
Leste allumeur de l'automne, il passe et repasse sous les feuilles la petite torche de sa queue.
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Le brochet

Immobile à l'ombre d'un saule, c'est le poignard dissimulé au flanc du vieux bandit.
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La baleine

Elle a bien dans la bouche de quoi se faire un corset, mais avec ce tour de taille ! ...
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Le corbeau

L'accent grave sur le sillon.
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Deux scènes de la vie quotidienne :

Le chat

1.
Le mien ne mange pas les souris ; il n'aime pas ça.
Il n'en attrape que pour jouer avec.
Quand il a bien joué, il lui fait grâce de la vie, et il va rêver ailleurs, l'innocent, assis dans la boucle de sa queue, la tête bien fermée comme un poing.
Mais à cause des griffes, la souris est morte.
2.
On lui dit : "Prends les souris et laisse les oiseaux !"
C'est bien subtil, et le chat le plus fin quelquefois se trompe.

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Le paon

Il va sûrement se marier aujourd'hui.
Ce devait être pour hier. En habit de gala, il était prêt.
Il n'attendait que sa fiancée. Elle n'est pas venue. Elle ne peut tarder.
Glorieux, il se promène avec une allure de prince indien et porte sur lui les riches présents d'usage.
L'amour avive l'éclat de ses couleurs et son aigrette tremble comme une lyre.
La fiancée n'arrive pas.
Il monte au haut du toit et regarde du côté du soleil.
Il jette son cri diabolique :
Léon ! Léon !
C'est ainsi qu'il appelle sa fiancée. Il ne voit rien venir et personne ne répond.
Les volailles habituées ne lèvent même point la tête. Elles sont lasses de l'admirer.
Il redescend dans la cour, si sûr d'être beau qu'il est incapable de rancune.
Son mariage sera pour demain.
Et, ne sachant que faire du reste de la journée, il se dirige vers le perron.
Il gravit les marches, comme des marches de temple, d'un pas officiel.
Il relève sa robe à queue toute lourde des yeux qui n'ont pu se détacher d'elle.
Il répète encore une fois la cérémonie.

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Et une fable, imitée de Jean de La Fontaine (la colombe et la fourmi) :

La fourmi et le perdreau

Une fourmi tombe dans une ornière où il a plu et elle va se noyer, quand un perdreau, qui buvait, la pince du bec et la sauve.
- Je vous la revaudrai, dit la fourmi.
- Nous ne sommes plus, répond le perdreau sceptique, au temps de La Fontaine. Non que je doute de votre gratitude, mais comment piqueriez-vous au talon le chasseur prêt à me tuer ! Les chasseurs aujourd’hui ne marchent point pieds nus.
La fourmi ne perd pas sa peine à discuter et elle se hâte de rejoindre ses sœurs qui suivent toutes le même chemin, semblables à des perles noires qu’on enfile.
Or, le chasseur n’est pas loin.
Il se reposait, sur le flanc, à l’ombre d’un arbre. Il aperçoit le perdreau piétant et picotant à travers le chaume. Il se dresse et veut tirer, mais il a des fourmis dans le bras droit. Il ne peut lever son arme.
Le bras retombe inerte et le perdreau n’attend pas qu’il se dégourdisse.

Jules Renard ("Histoires naturelles" - éditions Flammarion, 1896)


Portraits d'animaux

À la manière du texte sur le chat,  de Jules Renard, observer (se documenter) les caractéristiques physiques, les traits de caractère, les habitudes et le comportement d'animaux familiers ou connus. Imaginer une saynète amusante. Voir Jacques Roubaud (La vache : description), pour d'autres idées de création poétique : décrire en première impression.

- Yak Rivais -

Yak Rivais, enseignant et auteur pour la jeunesse, est né en 1939. Il a écrit de nombreux ouvrages, mêlant contes et jeux de mots ("Les demoiselles d'A" est composé exclusivement de phrases empruntées à différents ouvrages). Dans  "Les sorcières sont N.R.V.", il s'est exercé avec talent au tautogramme (tous les mots commencent par la même lettre).
Ce livre contient bien d'autres expériences auxquelles l'auteur soumet le langage. 



Cauchemar !

Voici Venir Vingt Vampires Verts !
Six Sales Sorcières Sifflantes Suivent !
Deux Dragons Déchaînés Dégobillent Des Déchets Dégoûtants
Attention Aux Affreux Assaillants !
Courez, Car Cinquante Crapauds Crachent Cent Cancrelats Caoutchouteux !
Trente Terrifiants Tapirs Tonitruent !
Mille Monstres Marins Mordent !
Cent Cavaliers Chevauchent Cent Centaures Colossaux !
Douze Diables Dévorent Douze Dames Désespérées !
Fuyez Faibles Femmes !

Yak Rivais ("Les sorcières sont N.R.V." - L'École des Loisirs, 1989)
et Claude Gagnière, dans "Au bonheur des mots", page 132 (éditions Robert Laffont, 1989)



Tautogramme 
Cet exercice est ardu, car respecter la contrainte à la lettre (c'est bien ça), complique la construction de phrases.
Pour réduire la difficulté, on peut limiter le nombre de mots par initiale, ou/et décider que seuls les verbes, noms, adverbes et adjectifs obéiront à la règle. On obtiendra alors un effet d' allitération. Voir d'autres tautogrammes dans la partie "JEUX".

Exemple :
1. 
Votre vieux vélo va si vite que vous volez.
Voulez-vous vraiment que je voyage avec vous ?

2. 
Un simple serpent suffit souvent à soulager les sinusites
Faites-le frire, farinez-le et frappez-vous fortement le front.

On trouvera ici des productions d'élèves, avec de vrais tautogrammes :
http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEUTAUTOGRAM.html

- Ghislaine Roman -

Ghislaine Roman, enseignante en élémentaire et auteure contemporaine pour les enfants a publié des albums ("Le parapluie volant", "Tukaï, l'enfant sorcier "...) et des recueils poétiques ("Le livre des peut-être", "Le livre des si"), tous aux éditions Milan.



Comme Jean-Hughes Malineau, Ghislaine Roman propose "des rencontres ponctuelles dans les écoles, les bibliothèques ou médiathèques [...] en liaison directe avec ses albums, [...] de préférence en école maternelle et élémentaire".
Voir son site pour plus d'infos (lien direct cliquable) :
http://charte.repertoire.free.fr/r/roman.html

Si (extrait)

Si les girafes savaient tricoter,
il leur faudrait dix ans pour faire un cache-nez.
Si la mer était sucrée,
les icebergs seraient des sorbets.
Si les mille-pattes portaient des souliers,
ils passeraient leur nuit à les cirer.
Si on mettait des pierres dans les sabliers,
est-ce que ça empêcherait le temps de passer ?

Si 1 plus 1 ne faisait plus 2,
ce serait triste pour les amoureux...

Ghislaine Roman ("Le livre des si", illustrations de Tom Schamp - éditions Milan, 2004)

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Peut-être

Peut-être que les clowns ont de grandes chaussures
parce qu’ils ont de grands pieds.
Peut-être que la nuit est noire
Pour qu’on ne la confonde pas avec le jour.
Peut-être que les abeilles font du miel
parce qu’elles ne savent pas faire du chocolat.
Peut-être que les moutons portent de la laine
parce qu’ils sont allergiques au coton.
Peut-être que les dragons crachent du feu
parce que, s’ils crachaient de l’eau, on les prendrait pour des
pompiers.
Peut-être que les vaches sont noires et blanches
parce qu’elles n’ont pas réussi à choisir.
Peut-être que les kangourous ont des poches
parce qu’ils n’aiment pas les sacs à main.
Peut-être que les zèbres sont rayés
parce qu’ils n’aiment pas les carreaux.
Peut-être que les chenilles se transforment en papillons
parce que c’est plus simple que de se transformer en licornes.
Peut-être que les sorcières chevauchent des balais
parce qu’elles n’ont jamais entendu parler des aspirateurs.
Peut-être que les éléphants montent sur les tabourets
parce qu’ils ont peur des souris.
Peut-être que les chameaux ont deux bosses
pour rendre les dromadaires jaloux.
Peut-être que les lions sont mal coiffés
parce qu’ils font peur aux coiffeurs.
Peut-être qu’on dit « barbe à papa »
parce que ça fait plus jeune que de dire « barbe à papy »
Peut-être que les dinosaures n’ont pas disparu
mais qu’ils sont les meilleurs à cache- cache.
Peut-être qu’il faut terminer les livres
pour le plaisir de les recommencer.

Ghislaine Roman ("Le livre des peut-être", illustrations de Tom Schamp - éditions Milan, 2003)


A la manière de Ghislaine Roman : "Si ..." et "Peut-être ..."

Plusieurs poèmes d'autres auteurs sont présentés sur le blog ou ailleurs, pour la production de textes conditionnels avec "Si" (voir Jean-Luc Moreau). La création poétique avec "peut-être" tout aussi intéressante. Voici des pistes :

De la GS au CM2 dans cette circonscription, on s'est amusé avec "peut-être" (lien non cliquable) :
http://www.ac-amiens.fr/inspections/80/montdidier/ecoles/ecoles.htm
Encore une expérience illustrée ici (lien non cliquable) :
http://sites86.ac-poitiers.fr/buxerolles-planty/spip.php?article159
L'IEN de Gennevilliers propose, une fiche détaillée pour l'exploitation en classe de ce texte, en vue de la production d'écrit poétique. Il faut y aller ! Le pdf en lien direct cliquable est ici :

http://www.ien-gennevilliers.ac-versailles.fr/IMG/pdf/le_livre_des_peut-etre.pdf

- Jacques Roubaud -



Jacques Roubaud (né en 1932), est un mathématicien-poète (ou poète-mathématicien ?), membre actif de l'OULIPO depuis 1966.
Sur l'OULIPO, voir la rubrique Raymond Queneau qui précède.
La poésie de Jacques Roubaud, très inventive,  obéit à certaines contraintes qui placent les productions en dehors du champ scolaire, du moins pour l'élémentaire et le collège.

Un exemple avec le poème ci-dessous. Repérez le point ...

Le microbe









.

Le poème est là, mais pour le voir il faut un microscope.

Jacques Roubaud ("Les animaux de tout le monde" - Ramsay, 1983)

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La vache : description

La
Vache
Est
Un

Animal
Qui
A
Environ

Quatre
Pattes
Qui
Descendent
Jusqu'
À terre

Jacques Roubaud ("Les animaux de tout le monde" - Ramsay, 1983)



Décrire en première impression

La description de la vache par Jacques Roubaud est inattendue et pourtant évidente. C'est un peu comme si, venu d'une autre planète, il découvrait pour la première fois un animal, quadrupède, et en livrait en première impression, ce qui lui paraît remarquable.
Un humoriste, Georg Christoph Lichtenberg rapportait cette observation à propos du chat :
"Il s’émerveillait de voir que les chats avaient la peau percée de deux trous, précisément à la place des yeux."
Ici, c'est une observation amusante, plus précise, et permanente (emploi de l'imparfait).

  1. L'exercice est apparemment réservé aux grands élèves. On se placera dans cette situation de "première impression" devant un animal ou un objet (réel ou représenté), et dans un deuxième temps, on développera cette observation brute dans une courte description amusante. Ou bien, si ça semble moins difficile, on prendra le temps de s'informer,de se documenter, pour isoler des éléments de description et en retenir un qui se prête au jeu (voir également Jules Renard et ses "Histoires Naturelles", plus haut dans cette page) .

Quelques autres formulations possibles :
Le zèbre va très vite pour qu'on ne puisse pas compter ses rayures.
Ce qui est étonnant chez ... la girafe, c'est qu'elle ait un si long cou et ne porte pas de collier.
J'ai remarqué que... l'escargot n'invite jamais personne chez lui.

- Jean Rousselot -

Jean Rousselot (1913-2004) a publié, à partir de 1934 de très nombreux recueils de poésie et des anthologies pour la collection "Poètes d'Aujourd'hui" de Pierre Seghers. Il est également l'auteur d'un Dictionnaire de la Poésie Française contemporaine (en 1962) et d'une Histoire de la poésie française en 1976.
On trouvera dans la catégorie hiver, un joli texte sur la neige.

Chanson du possible

Un oiseau sous la mer
Qui marche à petits pas
Cela ne se peut guère
Cela ne se peut pas

Un marchand de biftèques
Qui les donne pou rien
Cela ne se peut guère
Cela ne se peut point

Un général qui crie
À bas la guerre à bas
Cela ne se peut mie
Cela ne se peut pas

Mais un rat bicycliste
Un poisson angora
Un chat premier ministre
Un pou qui met des bas

Une rose trémière
qui fait des pieds de nez
Tout ça se peut ma chère
Il suffit d'y penser.    

Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)



A la manière de ..."chanson du possible" 
Voyez ici, à partir du  texte original des productions d'élèves
(copier-coller ce lien) :
http://www.prof2000.pt/users/anaroda/pfrances/Trabalho_final_pagina_frances/doc_pdf/Poèmes_élèves.pdf

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Les pommes de lune

Entre Mars et Jupiter
Flottait une banderole
Messieurs Mesdames
Faites des affaires
Grande vente réclame
De pommes de terre

Un cosmonaute qui passait par là
Fut tellement surpris qu'il s'arrêta
Et voulut mettre pied à terre

Mais pas de terre en ce coin là
Et de pommes de terre
Pas l'ombre d'une

C'est une blague sans doute
Dit il en reprenant sa route
Et à midi il se fit
Un plat de pommes de lune.


Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)

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L'ordinateur et l'éléphant

Parce qu'il perdait la mémoire
Un ordinateur alla voir
Un éléphant de ses amis
- C'est sûr, je vais perdre ma place,
Lui dit-il, viens donc avec moi.
Puisque jamais ceux de ta race
N'oublient rien, tu me souffleras.
Pour la paie, on s'arrangera.
Ainsi firent les deux compères.

Mais l'éléphant était vantard
Voilà qu'il raconte ses guerres,
Le passage du Saint-Bernard,
Hannibal et Jules César...

Les ingénieurs en font un drame
Ça n'était pas dans le programme
Et l'éléphant, l'ordinateur
Tous les deux, les voilà chômeurs.

De morale je ne vois guère
À cette histoire, je l'avoue.
Si vous en trouvez une, vous,
Portez-la chez le Commissaire;
Au bout d'un an, elle est à vous
Si personne ne la réclame.

Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)

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On n'est pas n'importe qui

Quand tu rencontres un arbre dans la rue,
dis-lui bonjour sans attendre qu'il te salue.
C'est distrait, les arbres.
Si c'est un vieux, dis-lui "Monsieur".
De toutes façons, appelle-le par son nom :
Chêne, Bouleau, Sapin, Tilleul...
Il y sera sensible.
Au besoin aide-le à traverser.
Les arbres, ça n'est pas encore habitué à toutes ces autos.
Même chose avec les fleurs, les oiseaux, les poissons :
appelle-les par leur nom de famille.
On n'est pas n'importe qui !
Si tu veux être tout à fait gentil, dis "Madame la Rose" à l'églantine ;
on oublie un peu trop qu'elle y a droit.


Jean Rousselot ("Petits poèmes pour coeurs pas cuits" - éditions Editions St- Germain-des-Prés, 1979)

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Pas de vacances

Si vous croyez que ça m'amuse
Dit la mer
D'avoir toujours à me refaire
- Un point à l'endroit, un point à l'envers
- Un pas en avant, un pas en arrière

Moi qui aimerais tant aller cueillir des coings
À Tourcoing
Me bronzer dans la neige
À Megève

Hélas pas moyen de fermer boutique
J'ai trop de sprats j'ai trop de pra-
Trop de pratiques

Mais comme elle a des cailloux plein la bouche
Personne ne comprend rien
À ce que raconte la mer.

Jean Rousselot (dans l'anthologie de Jacques Charpentreau, "La nouvelle guirlande de Julie" - éditions Ouvrières, 1976)

- Claude Roy -

Claude Roy (1915-1997), poète français, est au rendez-vous des catégories pour la classe (Le chat blanc - Chevaux : trois ; oiseau : un - J'ai trouvé dans mes cheveux - Les corridors où dort Anne qu'on adore - Le soleil dit bonjour).
Voici donc des textes d'humour déjà présents sur ce blog et d'autres pas :

L'excès des petits noms d'amitié

"Mon petit chat,
mon gros minet,
mon doux mouton, mon chatounet".
disait la mère à son bébé
dans l'excès des diminutifs.

Il ne faut pas trop s'étonner :
enfant d'un amour excessif
le petit se mit à miauler
et la maman à ronronner.

Claude Roy  

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L'affable La Fontaine

Récite ta fa
Récite ta fable.
Pour devenir grand
Il faut qu’on apprend
assis à sa table
sa récitation,
l’ineffable fable,
riche en citations,
de l’affable la
fontaine de fables.

L’heureux nard et le corbeau
Rat Deville et rats Deschamps
le méchant loup Pélagneau
la Chevreuse et le Roseau
L’Assis Gal et la fournie
la quenouille qui veut se faire
aussi rose que le bœuf
les animaux malades de la tête.

Retisse et récite
récite ta fa
ta fable d’enfant.
Quand tu seras grand
il sera bien temps
d’apprendre qu’on n’a
souvent aucun besoin d’un plus petit
que soif
pour boire à la fontaine.

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior)  

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Avec des si …

Si les poissons savaient marcher
Ils aimeraient bien aller le jeudi au marché.

Si les canards savaient parler
Ils aimeraient bien aller le dimanche au café.

Et si les escargots savaient téléphoner
Ils resteraient toujours au chaud dans leur coquille.

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior)



Poèmes à la manière de " Avec des si..."

Voyez ces productions en Cycle 3 >
(copier-coller le lien dans une nouvelle fenêtre)
http://www.stjean-douai.org/page-15179.html  ou bien ceci : http://www.aideeleves.net/recherches/avecdessi.htm  ou encore ceci dans un CE1-CE2 : http://legrandban57.123.fr/articles.php?lng=fr&pg=1097  et en CE1 : http://www.ac-versailles.fr/etabliss/ien-corbeil/ecoles/Paradis/avec_des_si.htm  Vous en trouverez plein d'autres sur la toile.

Voir aussi le texte Si ... de Jean-Luc Moreau

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L'enfant qui battait la campagne

Vous me copierez deux cents fois le verbe:
Je n'écoute pas. Je bats la campagne.

Je bats la campagne, tu bats la campagne,
Il bat la campagne à coups de bâton.

La campagne ? Pourquoi la battre ?
Elle ne m'a jamais rien fait.

C'est ma seule amie, la campagne,
Je baye aux corneilles, je cours la campagne.

Il ne faut jamais battre la campagne :
on pourrait casser un nid et ses oeufs.

On pourrait briser un iris, une herbe,
On pourrait fêler le cristal de l'eau.

Je n'écouterai pas la leçon.
Je ne battrai pas la campagne.

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior) 

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La clef des champs

Qui a volé la clef des champs ?
La pie voleuse ou le geai bleu ?
Qui a perdu la clef des champs ?
La marmotte ou le hoche-queue ?
Qui a trouvé la clef des champs ?
Le lièvre vert ? Le renard roux ?
Qui a gardé la clef des champs ?
Le chat, la belette ou le loup ?
Qui a rangé la clef des champs ?
La couleuvre ou le hérisson ?
Qui a paumé la clef des champs ?
La musaraigne ou le pinson ?
Qui a mangé la clef des champs ?
Ce n'est pas moi. Ce n'est pas vous.
Elle est à personne et partout,
La clé des champs, la clef de tout.

Claude Roy

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L'oiseau voyou

Le chat qui marche l'air de rien
voulait se mettre sous la dent
l'oiseau qui vit de l'air du temps
oiseau voyou oiseau vaurien

Mais plus futé l'oiseau lanlaire
n'a pas sa langue dans sa poche
et siffle clair comme eau de roche
un petit air entre deux airs.

Un petit air pour changer d'air
et s'en aller voir du pays
un petit air qu'il a appris
à force de voler en l'air

Faisant celui qui n'a pas l'air
le chat prend l'air indifférent.
L'oiseau s'estime bien content
et se déguise en courant d'air.

Claude Roy 

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Le chat blanc

Un petit chat blanc
qui faisait semblant
d'avoir mal aux dents
disait en miaulant :
« Souris mon amie
j'ai bien du souci.
Le docteur m'a dit :
- Tu seras guéri
si entre tes dents
tu mets un moment,
délicatement,
la queue d'une souris ».
Très obligeamment
souris bonne enfant
s'approcha du chat
qui se la mangea.

Moralité :
Les bons sentiments
ont l'inconvénient
d'amener souvent
de graves ennuis
aux petits enfants
comme-z-aux souris.

Claude Roy 

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Limerick* des gens excessivement polis

Excusez-moi, je vous en prie
Disait le Monsieur Très Poli
tout ourlé de Bonnes Manières
quand il croisait un dromadaire

Je suis charmé vraiment ravi
Disait le Monsieur Si Gentil
en rencontrant rue de Lisbonne
un pangolin avec sa bonne

Je vous présente mes respects
Disant le Monsieur Circonspect
en dépassant dans l'escalier
un i sans point très essoufflé

Veuillez agréer mes hommages
Disait le Monsieur Tout en Nage
en arrivant très en retard
au bal masqué des nénuphars

Après vous je n'en ferai rien
Disait le Monsieur Vraiment Bien
lorsque la Mort sonnant chez ui
le trouvera toujours poli

L'ennui avec les gens polis
c'est qu'ils n'ont jamais fini
tout en saluts et en courbettes
mais trop polis pour être honnêtes.

* Un limerick est une forme de poème burlesque ou absurde.
Claude Roy (
"Le Parfait Amour" - Éditions Seghers)

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Voici une réhabilitation de l'étourneau, cet animal trop souvent sujet de moquerie chez les humains :

Étourdis étourneaux

Les étourneaux
sont étourdis.
On le dit.

Ils font des tours
et des détours
et ils rient.

Les étourneaux
n'ont pas de tête.
On le dit.

Mais ils sont gais,
les étourneaux,
légers là-haut !

Ils font dans le ciel
des anneaux,
des anneaux gais à tire-d'aile
les étourneaux.

Claude Roy ("La cour de récréation" - Éditions Gallimard)

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L'escargot matelot

Un escargot fumant sa pipe
Portait sa maison sur son dos.
C'était un garçon sympathique,
Un brave et joyeux escargot.
Il avait été matelot
Et navigué sur un cargo.
Il en avait assez de l'eau
Cet ancien marin escargot.
Son ami le petit Léon
Lui apportait du tabac blond.
Et l'escargot fumant sa pipe
Évoquait la mer, les tropiques,
Et le tour du monde en cargo
Qu'il avait fait en escargot,
Un escargot fumant la pipe
Pour n'être pas mélancolique.

Claude Roy

 

<< ci-contre

l’affiche officielle

et le projet en milieu scolaire à Mantes-la-Ville (Yvelines) >>

es textes proposés dans cette page ont déjà été mis en ligne en 2009 sur le blog lieucommun.canalblog.com où ils sont toujours :
PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes - lieu commun
pour le PRINTEMPS DES POÈTES 2009, «EN RIRES»
La plupart visent une utilisation par les élèves d’ELEMENTAIRE, mais leur niveau va de la MATERNELLE au LYCÉE. Ce n’est pas indiqué faute de temps.